Jean-Philippe L’Écuyer, Futurpreneur Canada, Montreal, QC 

Il est plus simple de rêver à une entreprise multinationale que… de la créer ! Fantasme avoué uniquement à demi-mot, plusieurs entrepreneurs rêvent d’occuper un magnifique fauteuil en cuir disposé tout au bout d’une table de conférence bois massif, entouré de leurs nombreux, vice-présidents. À la tête… du monde !

Au-delà du fantasme, la réalité du monde des affaires a tôt fait de décourager nos jeunes entrepreneurs de s’engager sur le long et tortueux chemin qui mène à la croissance organisationnelle. Entre le démarrage de l’entreprise et une Apple Company, l’expérience leur démontre rapidement qu’il faudra bien plus qu’une bonne idée et qu’un peu de courage pour y arriver. Le chemin qui mène à la croissance organisationnelle est difficile.

Mais qu’est-ce que la croissance organisationnelle exactement ? Suffit-il de constater une augmentation du nombre d’employés et du chiffre d’affaires pour prétendre que l’entreprise se trouve réellement au stade de la croissance ? Dans les faits, le taux de croissance annuel moyen des entreprises se situe autour 3,5%[1]. Si on considère que l’inflation oscille entre 1% et 3%[2] annuellement, on peut affirmer que la majorité des entreprises stagnent. Autrement dit, elles font du sur-place ! Une entreprise sera réellement considérée en croissance, uniquement si elle laisse voir une augmentation de son chiffre d’affaires entre 15%[3] et 25%[4] annuellement. De là découle la fameuse règle des quatre ans, qui édicte qu’une entreprise doit doubler de taille en quatre ans, afin d’être réellement considérée comme étant en forte croissance. Quel défi !

On le comprendra, l’augmentation du chiffre d’affaire n’est qu’un symptôme, et non une finalité en soi. Autrement dit, on s’intéresse au chiffre d’affaires pour mesurer la croissance organisationnelle, mais au final, il s’agit d’une simple mesure du progrès de l’organisation. Dans les faits, la croissance est un travail quotidien qui se veut humain, et qui inclut des activités de développement d’affaires, de standardisation, de recherche active d’opportunités et parfois même, de recherche plus fondamentale. En effet, l’opportunité de croissance se trouve potentiellement dans une découverte que fera l’entrepreneur ! Un bel exemple, le bistro boréal Chez Boulay à Québec. Le chef restaurateur Jean-Luc Boulay a démarré ce deuxième restaurant en exploitant des produits du terroir toujours inconnus de la population. C’est le cas notamment du sirop de merisier, qui se veut un produit absolument exquis dans la confection de desserts. De tels produits figurent dans le menu du nouveau restaurant du chef Boulay, ce qui contribue grandement à sa distinction par rapport à la concurrence, et offre au chef une opportunité de croissance exceptionnelle.

Vous l’aurez peut-être déduit à la lecture de ce qui précède, distinction et croissance sont intimement liées. Si le développement d’un avantage concurrentiel est l’élément-clé du démarrage et de la survie d’une entreprise, il l’est encore davantage au stade de la croissance. La raison est toute simple. Au stade de la croissance organisationnelle, l’offre d’une entreprise doit s’étendre à de nouveaux marchés ou encore, s’étendre à l’intérieur d’un même marché. Pour y arriver, la distinction de son offre de produits ou de services doit être réaffirmée. Cette distinction était peut-être bien réelle pour le marché initial, mais est-ce que ce sera toujours le cas pour les nouveaux marchés visés ? Un exemple frappant d’inadéquation avec les besoins réels d’un nouveau marché cible se trouve juste sous nos yeux : le fameux Target ! Le one size fits all est un adage hautement toxique en développement d’affaires. Chaque marché est spécifique et le plus grand défi d’un entrepreneur qui souhaite étendre son entreprise est l’étude approfondie de ce nouveau marché. Un entrepreneur à succès est une sorte d’anthropologue, qui s’intéresse réellement aux comportements-types de ces clients-cibles et qui, de cette compréhension, dégage l’ébauche d’une entreprise à succès.

Si le développement d’un avantage concurrentiel robuste constitue le principal défi de la croissance, il y aussi de nombreux autres enjeux organisationnels auxquels doivent faire face les entrepreneurs. Par exemple, il est fréquent de constater qu’un entrepreneur, malgré le fait qu’il détienne un avantage concurrentiel quasi à toute épreuve, manque de compétences managériales pour mener à terme une croissance réussie[5]. À ce sujet, on a constaté que les aspects liés au recrutement et à l’intégration de nouvelles ressources humaines sont particulièrement difficiles à gérer pour les entrepreneurs qui s’engagent sur le chemin de la croissance[6].  L’accès au financement et le manque de liquidités constituent aussi des obstacles de taille.[7] Par ailleurs, la croissance organisationnelle en elle-même se veut un enjeu, de par sa nature éclectique. La croissance organisationnelle n’est en rien un phénomène stable et continu. Elle est plutôt rapide, condensée dans le temps et irrégulière[8]. Ainsi, les bases mêmes de l’entreprise seront ébranlées lors de cette période, qu’on pourrait aisément qualifier de tempête. Ce qui aura été stabilisé lors du démarrage risque d’être momentanément fragilisé. Vous l’aurez compris, la croissance est un risque en soi, et elle peut aisément être assimilée à un nouveau démarrage d’entreprise.

La croissance est une période hautement éprouvante pour un entrepreneur, mais aussi, pour l’ensemble de ses collaborateurs. C’est maintenant chose dite, la croissance n’est pas facile ! Bien que cela puisse paraître a priori quelque peu décourageant pour nos entrepreneurs, il existe plusieurs clés pour favoriser la croissance organisationnelle. Aucune recette magique, mais plutôt des avenues de développement qui permettent de maximiser le potentiel de croissance d’une entreprise. Ces pistes de solution vous seront présentés dans les deux prochains articles, soit Les clés de la croissance (1 de 2) : les modes VS les bonnes pratiques ! et Les clés de la croissance (2 de 2) : une affaire d’humanisme !

Au final, qui a dit que ce serait facile de… changer le monde !

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[1] Barringer et al. (2005)

[2] Banque du Canada : http://www.banqueducanada.ca/grandes-fonctions/politique-monetaire/inflation/

[3] National Commission on Entrepreneurship (2001)

[4] Littunen & Tohmo (2003)

[5] Parker & al. (2010); Fischer & Reuber (2003)

[6] Brush & al. (2009)

[7] Lee (2014)

[8] Moreno & Casillas (2000)

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