Lancer et commercialiser un nouveau produit est une aventure excitante pour l’entrepreneur qui s’y consacre. Bien que stimulante, cette aventure est également éprouvante et éclectique. Il y a tout un lot de défis à surmonter avant que l’entrepreneur puisse contempler son produit sur les tablettes des détaillants. Pour plusieurs entrepreneurs, la distribution de leur produit représente un réel casse-tête. Voici donc les réponses aux questions que tous les entrepreneurs se posent en matière de distribution! Pascale Hancock et Jocelyn Bondu d’Enzymes, ainsi que Sylvain Karpinski de GUSTA ont été interviewés afin de donner aux entrepreneurs quelques conseils clés dans le domaine. Voici donc de réels conseils d’initiés en matière de distribution.

Tout commence par un bon produit, connu et aimé

L’histoire d’Enzymes et celle de GUSTA débutent toutes les deux par l’élaboration d’un produit distinctif et de qualité. Comme les consommateurs se soucient de plus en plus de leur santé, ils accordent davantage d’importance à la qualité des aliments qu’ils achètent. Pour répondre à ce besoin, Enzymes a développé toute une gamme de jus pressés à froid qui aident le consommateur à adopter un mode de vie plus sain. De son côté, GUSTA a répondu à ce besoin en développant une gamme de charcuteries et de fromages végétaliens qui font saliver les carnivores les plus sceptiques.

Pour distribuer son produit, tout entrepreneur doit être capable de convaincre les détaillants de la valeur concurrentielle de ce dernier et surtout, de son appréciation par la clientèle. Bien que ce soit le rôle du détaillant d’assurer la vente du produit au consommateur final, le produit doit minimalement être connu de la clientèle avant qu’on accepte de lui faire une place sur les tablettes. C’est pour cette raison que GUSTA a misé sur une campagne marketing en amont du lancement de ses produits. Cette campagne a suscité une forte demande pour ses charcuteries et ses fromages végétaliens avant même qu’ils soient en vente. Les commerçants ont constaté cette demande grandissante du public pour les produits de l’entreprise et ont manifesté rapidement leur intention de s’approvisionner auprès de GUSTA.

« Tous nos premiers clients, ce sont eux qui nous ont contactés. On avait fait une campagne marketing avant de se lancer. Dès qu’on a été prêts, plusieurs épiceries voulaient avoir nos produits. »

Sylvain Karpinski

L’entrepreneur qui lance un nouveau produit a donc deux clients : le commerçant qui achète et revend ses produits et le consommateur final. Bien que le commerçant soit le client direct, autrement dit celui qui paie la facture, il est primordial d’entretenir une relation avec le consommateur final. C’est à la demande de ce dernier que les détaillants s’approvisionneront auprès de l’entreprise.

Founders of Enzymes pose with their product.

Au-delà du produit, le service client fait toute la différence!

Le fait d’avoir un bon produit ne suffit pas pour se faire une place sur les tablettes des détaillants. Jocelyn Bondu et Pascale Hancock d’Enzymes ont bien compris cette réalité. Ils ont fait connaître leurs produits grâce au service hors pair qu’ils ont offert à leurs clients commerçants. S’ils ont été en mesure d’offrir un tel service, c’est parce qu’ils étaient initialement maîtres d’œuvre de l’ensemble de leur distribution. Participant à chaque étape de la distribution de leurs produits, ils ont pu visiter fréquemment les espaces commerciaux de leurs clients et ainsi, les réapprovisionner en marchandise, réaménager les présentoirs, faire des démonstrations aux consommateurs et développer une excellente relation avec les commerçants :

« Si on conclut une entente c’est grâce au service que l’on donne. On a bâti notre clientèle comme ça. On ne laissera jamais tomber nos commerçants. S’il y a des pertes, on ne va jamais perdre un client pour ça. On va l’accommoder, on va changer la marchandiseet on va aller faire des démonstrations. Je pense que c’est la relation qu’on a avec eux qui fait la différence. Par exemple, Jocelyn faisait lui-même les livraisons au début. Il avait toutes les sortes de jus dans son camion. Il allait en magasin, il remplissait les tablettes et il faisait la facture. Le commerçant n’avait rien à faire. »

Pascale Hancock

« On a beaucoup donné, parce qu’on voulait percer le marché. On a vraiment gâté nos clients. »

Jocelyn Bondu

Cette proximité avec le client a donc permis de mettre en valeur les produits Enzymes, mais également de réapprovisionner plus fréquemment les clients avec les produits les plus populaires. Par exemple, le meilleur vendeur d’Enzymes est le jus Immunité. Un réapprovisionnement fréquent pour ce produit très populaire évite toute rupture de stock chez le client. Cela offre un meilleur service au client en plus d’avoir un effet positif sur le volume total de ventes. Pascale et Jocelyn sont catégoriques sur le fait que ce réapprovisionnement fréquent a fait toute la différence pour Enzymes.

Penser à la distribution à grande échelle dès le départ

Autant Pascale et Jocelyn d’Enzymes que Sylvain de GUSTA s’entendent pour dire qu’il faut penser aux distributeurs dès le départ. Toute entreprise qui souhaite distribuer ses produits devrait inclure le coût d’un distributeur à son prix de revient dès le départ, qu’elle en ait un ou non. Une telle pratique évite de devoir majorer son prix de vente par la suite, lorsqu’un distributeur doit finalement participer au processus. Afin d’avoir un prix qui tient réellement compte de la distribution, une majoration de 20 % à 30 % du coût de revient est jugée suffisante par nos 3 initiés.

« Tôt ou tard, pour n’importe quel produit, le but c’est d’être distribué et pour ça, ça prend un distributeur. Si ton prix est trop bas et qu’ensuite tu dois l’augmenter pour couvrir les frais de distribution, tu peux perdre des points de vente à cause de cela. »

Pascale Hancock

« Il faut vraiment tenir compte des frais de distribution dès le départ, sinon tu es foutu! »

Sylvain Karpinski

Il peut être tentant de se fier uniquement à ses propres moyens pour distribuer son produit, surtout en phase de démarrage. Or, bien que la distribution par l’intermédiaire d’un distributeur soit une étape subséquente au démarrage de l’entreprise, nos trois entrepreneurs insistent sur l’importance d’avoir une bonne planification dans le domaine. Il faut comprendre que l’autogestion de la distribution de son produit n’est qu’une étape transitoire et relativement brève dans l’histoire de la distribution d’un produit. L’étape clé de la distribution d’un produit est l’arrivée d’un distributeur qui permettra au produit de réellement prendre sa place sur le marché.

Comprendre et diversifier ses points de vente

Chaque point de vente dessert une clientèle distincte ayant des besoins et des comportements d’achats spécifiques. Pascale et Jocelyn d’Enzyme ont rapidement compris l’importance de diversifier leurs points de vente afin d’éviter que les creux des détaillants ne se répercutent sur les ventes de leur entreprise.

« Chaque point de vente a ses hauts et ses bas. Ça ne veut pas dire que certains points de vente sont meilleurs que d’autres, mais plutôt qu’ils ont chacun leur cycle. »

Jocelyn Bondu

« Il suffit qu’un tronçon de route soit en construction et les ventes seront moins bonnes pour ce détaillant. Il faut vraiment savoir s’adapter à l’environnement. Après trois ans, on commence à savoir quels endroits vont avoir un creux dans les ventes et à quel moment […] L’été, c’est plus tranquille parce que c’est une saison plus difficile pour les épiceries naturelles. Les gens laissent tomber leurs bonnes habitudes alimentaires. Donc, on a essayé de diversifier nos points de vente pour se retrouver dans des cafés et des endroits plus touristiques. Ensuite, on est allé dans des gyms et des centres de yoga pour l’automne et l’hiver. »  

Pascale Hancock

Pascale et Jocelyn ont un jour dû dénicher de nouveaux points de vente et ils ont été étonnés par le niveau de ventes de ces nouveaux clients. Alors que leurs produits étaient initialement destinés aux épiceries de produits naturels, ils ont constaté que les cafés écoulaient incroyablement bien leurs produits. Ils ont donc développé de toutes nouvelles avenues de distribution pour leurs jus pressés à froid.

De son côté, Sylvain Karpinski de GUSTA est également en train de développer de nouveaux canaux de distribution, ce qui lui demandera de modifier les formats, l’emballage et le traitement de ses produits. GUSTA vise désormais le secteur de la restauration.

« Les produits sont vendus en plus grande quantité et il n’y a pas de conditionnement nécessaire. L’emballage est beaucoup plus simple. Les saucisses sont vendues en paquets de 3 kg et les fromages, en paquets de 4 kg. Il peut y avoir un volume intéressant assez rapidement. »

Sylvain Karpinski

Modifier l’emballage des produits sera relativement simple pour GUSTA. Par contre, les restaurateurs demandent également un traitement du produit; ils souhaitent obtenir un fromage déjà râpé. Pour répondre à cette demande et ainsi obtenir ces nouvelles commandes, GUSTA devra donc acheter de nouveaux équipements ou encore s’associer avec une entreprise pour assurer le traitement du son produit.

« On se fait demander du fromage râpé. Ça fait en sorte qu’on doit travailler sur un processus pour râper le fromage, sinon, on ne le vendra pas aux restaurateurs. Actuellement, tout est produit chez nous dans nos locaux. Par contre, pour râper le fromage, il faudra acheter de nouveaux équipements ou encore faire du coemballage avec une entreprise spécialisée. »

Sylvain Karpinski

Actuellement, GUSTA a 200 points de vente au Québec et 50 en Ontario. Elle distribue dans les épiceries de produits naturels, dans les fruiteries et de plus en plus dans les épiceries classiques. Le secteur de la restauration est donc un tout nouveau marché pour les charcuteries et les fromages végétaliens de GUSTA.

Le défi de convaincre

Enzymes et GUSTA ont d’excellents produits. Leur qualité et leur caractère distinctif ne font aucun doute. Cela dit, dans le monde de la distribution, chaque nouveau point de vente est une petite victoire durement gagnée.

« On laisse plusieurs échantillons. On n’a pas nécessairement de suivi et les gens ne répondent pas toujours à nos appels et à nos courriels. C’est la partie la plus difficile. Parfois, il faut jusqu’à sept suivis pour avoir une réponse. La ligne est mince entre le fait d’être tenace et devenir harcelant. »

Pascale Hancock

Que ce soit à petite ou à grande échelle, le défi en matière de distribution est le même : convaincre! L’entrepreneur qui souhaite distribuer son produit devra convaincre le détaillant indépendant, tout comme l’acheteur d’une grande chaîne. Si ces deux interlocuteurs ont des réalités bien différentes, leur objectif ultime est le même, c’est-à-dire réaliser les meilleurs volumes de ventes possibles.

Contrairement à ce que l’on peut croire, les grandes chaînes ne sont pas les plus gourmandes en matière de marges. Au contraire, ce sont elles qui sont les plus clémentes envers les nouveaux produits qui tentent de se faire une place sur le marché. Cela dit, distribuer en partenariat avec ces gros joueurs demande de se conformer à des processus plus longs et plus rigoureux. Il n’y a donc pas de canal de distribution parfait.

Pour obtenir un nouveau client, c’est toujours la même routine : parler de son produit, faire des démonstrations, le mettre en valeur et démontrer au détaillant que le consommateur final veut acheter le produit. Une routine qui paraît simple, mais qui peut devenir exigeante avec le temps. Cela dit, il ne fait aucun doute que la fierté l’emporte sur tout le reste lorsque l’entrepreneur voit son produit sur les tablettes des détaillants.

Écrit par: Jean-Philippe L’Écuyer, Entrepreneur en résidence à Futurpreneur Canada,  jplecuyer@futurpreneur.ca

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