Jean-Philippe L’Écuyer, Futurpreneur Canada, Montréal, QC

Existe-t-il de bonnes et de mauvaises raisons pour se lancer en affaires ? Il semblerait que oui ! On note que la performance des PME varie grandement en fonction des motivations profondes de l’entrepreneur. L’impact le plus notable de la motivation de l’entrepreneur concerne la croissance de son entreprise.

Les ambitions initiales de l’entrepreneur ont donc un impact sur le devenir de son entreprise[1]. Par exemple, les individus qui se sont lancés en affaires parce que leur travail ne les satisfaisait plus, révèlent une moins bonne performance organisationnelle, ainsi qu’une croissance quasi nulle[2]. Il s’agit de l’effet pervers des push factors. Cela signifie que ceux qui s’engagent dans une démarche entrepreneuriale parce que leur environnement actuel leur est défavorable, s’exposent à un succès plus mitigé que ceux qui le font pour des aspirations plus profondes, plus mobilisatrices. Ainsi, l’entrepreneur qui s’engage dans l’aventure entrepreneuriale a tout intérêt à s’assurer que cette nouvelle carrière réponde à son besoin d’actualisation et qu’il ne s’agisse pas d’une quelconque fuite par rapport à sa situation actuelle. N’est-ce pas intrigant de constater que le succès en affaires et la croissance d’une entreprise sont intimement liés à la force de l’engagement de l’entrepreneur ? Ce n’est pas sans nous rappeler le vieil adage Quand on veut, on peut !  On pourrait même dire, Quand l’entrepreneur veut vraiment, il peut vraiment! Et par vouloir vraiment, on entend que l’entrepreneur répond à ses motivations profondes et que son projet entrepreneurial devient un moyen d’actualisation de son potentiel.

Mais comment les aspirations profondes d’un entrepreneur peuvent-elles faire gagner des parts de marché à son entreprise et en assurer la croissance ? Voici une réponse toute simple. Plusieurs années après la mort de Walt Disney, lorsque les dirigeants de l’entreprise étaient confrontés à une situation complexe et qu’ils devaient prendre une décision importante, ils se demandaient Qu’est-ce que Walt ferait ?[3] Même plusieurs années après la mort du fondateur de l’entreprise, le processus décisionnel était encore teinté des couleurs et de la personnalité de Walt Disney. C’est donc dire à quel point les aspirations de cet homme ont pu marquer son entreprise et ses orientations subséquentes. Ce constat qui a été fait chez Walt Disney prouve l’existence d’un lien fort entre les motivations de l’entrepreneur et l’ensemble du devenir de son entreprise. Si Walt Disney peut sembler être un cas isolé à part, il faut savoir que ce constat a été fait plus largement, et qu’il se vérifie pour tous les types d’entreprises[4]. On dit que l’entrepreneur-fondateur laisse une marque permanente à son entreprise et qu’il s’agit là du bouillon de la culture organisationnelle[5].

Peut-être l’avez-vous déjà compris, le lien entre les aspirations de l’entrepreneur et la croissance passe par l’adhésion des collaborateurs impliqués de près ou de loin dans le projet. On l’oublie trop souvent, l’entrepreneur est d’abord et avant tout un leader ! C’est-à-dire, quelqu’un qui est en mesure de mobiliser d’autres individus autour d’un projet, de les convaincre de son bien-fondé et d’obtenir leur engagement et leur collaboration. En ce sens, l’entrepreneur est celui qui mobilise des gens autour de ses propres aspirations et par conséquent, autour de son projet d’affaires. Et comment le fait-il ? Par le biais de sa vision d’affaires. La vision constitue le ciment entre les aspirations profondes de l’entrepreneur et celles ses collaborateurs. En développant et en communiquant une vision d’affaires inspirante, l’entrepreneur arrive à mobiliser les gens dans leurs propres aspirations, ce qui a un effet direct sur la performance de l’organisation et sa croissance.

Les données sont là pour le prouver. La vision d’affaires a un impact positif sur de nombreux indicateurs de performance organisationnelle. Pour n’en citer que quelques-uns, mentionnons qu’il a été établi que la vision affectait positivement le profit, le rendement des actionnaires, le développement de nouveaux produits (Lipton 1996), la satisfaction des clients et celle des employés (Kantabutra et Avery 2005). Au final, retenons simplement que la vision est un facteur structurant de croissance organisationnelle, parce qu’elle relie les ambitions de l’entrepreneur  à celles de ses collaborateurs.

La vision est donc un connecteur entre les aspirations de l’entrepreneur et celles de ses collaborateurs. Bien que le fait d’avoir une vision soit crucial, il ne faut pas négliger l’importance de la communication de cette vision. En effet, une excellente vision gardée secrète reste une simple idée, ou encore un rêve. C’est seulement dans sa capacité à bien communiquer sa vision que l’entrepreneur arrive à réellement mobiliser ses collaborateurs. Un entrepreneur qui communique sa vision fréquemment, et par différents moyens, en tire tous les bénéfices organisationnels (Baum, Kirkpatrick & Locke, 1998). Encore plus important, la communication de la vision doit être sincèrement incarnée, profondément sentie et connectée aux aspirations de l’entrepreneur (Grooves, 2006). Seule une communication authentique sera réellement inspirante pour les collaborateurs, et leur adhésion au projet en dépend entièrement.

Vous comprendrez qu’il est donc impossible de programmer volontairement une telle communication. Il s’agit plutôt pour l’entrepreneur de se développer et d’être fidèle à ses propres aspirations. C’est seulement ainsi qu’il s’engagera pleinement dans l’aventure de la croissance organisationnelle en exerçant tout le leadership dont il a besoin pour y arriver avec succès. La croissance organisationnelle est synonyme de mobilisation. Et pour mobiliser, l’entrepreneur doit être fidèle à lui-même et incarner les valeurs qu’il promeut.

Ainsi, la croissance est fortement liée aux aspirations profondes de l’entrepreneur et à sa capacité à entraîner les autres dans leurs propres aspirations. Cela signifie que la croissance est réellement… une affaire d’humanisme !


[1] Cassar 2007

[2] Hamilton & Lawrence 2001; Smallbone & al. 1995; Smallbone & Wyer 2000.

[3] Collins & Porras 1994

[4] Mullins 1996

[5] Barringer & al. 2003

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