Jean-Philippe L’Écuyer, Futurpreneur Canada, Montreal, QC 

Les modes sont puissantes dans le monde des affaires !  Bien assez tôt, le nouvel entrepreneur sera enseveli sous une montagne de tendances managériales, qui relèvent parfois de préconçus de la gestion.  Le lean management, l’entrepreneuriat agile, l’empowerment, le crowdfunding, le crowdsourcing, le juste-à-temps, le coworking, le codéveloppement, l’onboarding stratégique… le tout dans un esprit Google Style pour devenir un réel disciple de la Silicon Valley ! Et quoi encore ? Le monde des affaires est réellement porté par différentes tendances managériales. Les raisons sous-jacentes pourraient, à elles seules, faire l’objet d’un article tout entier.

En effet, à mesure que le jeune entrepreneur intègre le monde des affaires, il se fait dicter de fausses certitudes. Le manque de nuances qui est propre au monde des affaires, constitue un réel danger pour le nouvel entrepreneur avide de connaissances. On constate que ce dernier aura souvent tendance à donner raison à l’interlocuteur le plus légitime, même s’il n’est pas toujours le mieux informé.

La croissance est un thème central au sein de la communauté d’affaires, parce qu’elle rallie les intérêts des entrepreneurs, des gouvernements, des investisseurs et de la communauté d’affaires. En ce sens, il se dit beaucoup de choses sur la croissance d’entreprise, mais peu se vérifient concrètement sur le terrain. D’un autre côté, nos jeunes entrepreneurs cherchent  à mettre le doigt sur les clés de la croissance, pour ne pas dire les secrets de la croissance. Et on les comprend ! Le succès de leur entreprise est intimement lié à sa capacité à se développer, et à enregistrer une saine croissance. S’il existe en effet plusieurs facteurs de croissance, on ne peut toutefois pas prétendre qu’ils soient des absolus.

En effet, la seule certitude en matière de croissance organisationnelle, c’est qu’il n’y a aucune certitude ! On recense effectivement plusieurs éléments qui ont un impact sur la croissance, mais il est important de comprendre qu’aucun d’entre eux ne peut expliquer à lui seul la croissance dans son ensemble (Davidsson and Klofsten, 2003). Faire croître son entreprise est un processus complexe, incertain et laborieux. Or, la première leçon à retenir pour tout entrepreneur qui cherche à faire grandir son entreprise, c’est de tout prendre avec un grain de sel. Il est important de se questionner sur la spécificité de son entreprise et d’évaluer en quoi, telle ou telle pratique s’applique bel et bien à son cas. Voilà pour ce qui en est des nombreuses modes managériales ! Il faut savoir nuancer et il faut cesser de chercher la recette du succès. Elle n’existe pas, malheureusement.

D’un autre côté, on note un certain nombre de saines pratiques d’affaires qui ont un impact positif sur la croissance. Nous ne sommes pas en mesure de toutes les aborder dans cet article, mais arrêtons-nous tout de même sur quelques-unes d’entre elles. Nommons tout d’abord la planification (Barringer et al. 2005). Cela peut sembler surprenant de parler de planification à l’ère de l’entrepreneuriat agile, mais les faits sont là pour le prouver : une bonne planification a un impact positif sur la croissance d’une entreprise.Attention toutefois de ne pas tomber dans le piège de la rigidité stratégique. L’entrepreneur doit rester à l’écoute des changements rapides qui s’opèrent dans son marché et il doit savoir s’adapter et parfois déroger du plan initial. Tout de même, la planification permet à l’entrepreneur et à son équipe de s’arrêter pour réfléchir au modèle d’affaires et à la stratégie à adopter. C’est là tout le bénéfice de la planification; elle permet de dresser un portrait d’ensemble de la situation, et elle favorise le choix d’un positionnement adéquat dans un marché. Au final, on peut même dire que c’est justement parce qu’elle permet ce temps d’arrêt et cette réflexion, que la planification favorise la croissance. L’entrepreneur qui souhaite faire croître son entreprise a donc tout intérêt à prendre le temps de s’arrêter, de réfléchir, et de planifier. La suite des choses aura tôt fait de lui en prouver les bienfaits.

Un autre élément-clé est la collaboration inter organisationnelle. On parle malheureusement trop souvent de l’importance du réseau informel de l’entrepreneur, ce qui fait ombrage à une collaboration plus structurée, plus formelle. Cela ne signifie pas que l’informel n’a pas son importance, bien au contraire. Toutefois, on constate que les entrepreneurs qui s’engagent dans des partenariats formels pour le développement de nouveaux marchés enregistrent une croissance plus importante que ceux qui ne le font pas (Dobbs & Hamilton, 2006). C’est ce qu’on appelle les joint ventures, ou coentreprises en français (voir lien[1]). Dans une joint venture, deux entreprises mettent en commun leur expertise, leurs ressources et leur réseau pour conquérir un nouveau marché. Faire cavalier seul est donc un risque pour la croissance de l’entreprise, alors que le développement de partenariats avec une ou plusieurs autres entreprises minimise ce risque. L’entrepreneur a donc tout intérêt à s’associer formellement avec d’autres entreprises afin de maximiser ses chances de croissance. Plusieurs entrepreneurs sont surpris de constater que leur concurrent devient rapidement un précieux allié, et que chacun bénéficie de l’expertise de l’autre.

Si l’innovation n’a pas encore été mentionnée, c’est qu’elle est inhérente au processus entrepreneurial lui-même. En effet, une entreprise qui ne présente aucun attribut innovant risque simplement d’être balayée par la concurrence. Prenons tout de même le temps de mentionner que les entreprises qui sont fermement engagées dans une démarche d’innovation et d’amélioration continue, enregistrent une bien meilleure croissance que celles qui se concentrent sur leurs opérations quotidiennes (Barringer & al. 2005; Deeds & al. 1999; Patterson 1998; Roper 1997). Voilà donc une autre clé de croissance, et il s’agit de la plus importante. Ainsi, il faut faire en sorte que l’innovation et l’amélioration de votre produit ou de votre service devienne une douce obsession.

Le prochain facteur de croissance que l’on vous présente est malheureusement le plus mal aimé de la famille des clés de croissance. Il s’agit des pratiques de ressources humaines.  Lorsque lon pense aux ressources humaines, on voit immédiatement une grande entreprise et on pense à la gestion des accidents de travail ou de la rémunération. Pourtant, les pratiques de ressources humaines sont bien plus larges et elles concernent aussi la PME. Sans compter qu’elles ont un impact direct sur sa croissance. On note que les bonnes pratiques de recrutement, une rémunération à la performance, une proximité géographique des talents et un régime d’intéressement des employés sont des facteurs de croissance pour les PME (Barringer & al. 2005; Galbraith and DeNoble 1998). Les entreprises qui ont mis en place de telles pratiques en matière de ressources humaines enregistrent une croissance supérieure, sans compter qu’elles performent mieux sur plusieurs indicateurs de performance. Ainsi, on peut dire que gérer ses ressources humaines, c’est gérer sa croissance !

Si le prochain facteur de croissance peut sembler quelque peu cliché, il n’en est pas moins important. Il s’agit de la formation de l’entrepreneur. Bien que la formation des employés ait aussi son importance pour favoriser la performance organisationnelle, on note que la formation de l’entrepreneur a un impact nettement plus important sur la croissance de l’entreprise (Sapienza & Grimm 1997). Fait intéressant, le domaine d’étude a peu d’importance. Ce qui compte réellement, c’est le processus d’acquisition de connaissances, qu’importe le domaine. Toute formation forme l’esprit, et au final, c’est tout ce qui compte ! L’entrepreneur qui termine un diplôme collégial ou universitaire aura développé son sens critique et il ou elle aura acquis des connaissances systémiques qui l’aideront à être un bon dirigeant pour son entreprise. Notons que ce principe ne s’applique pas exclusivement au système scolaire traditionnel. Les formations intensives atypiques ont aussi un impact positif sur la croissance. Au final, l’entrepreneur comprendra ici que le simple fait de s’arrêter, de se questionner et d’apprendre est positif pour son entreprise. Ce n’est pas toujours évident d’intégrer des activités de formation à son agenda, surtout lorsque les opérations quotidiennes de l’entreprise drainent tout notre temps et notre énergie. Toutefois les faits sont là pour le prouver, toute formation est utile au développement de l’entreprise toute entière.

La recherche sur la croissance organisationnelle est vaste. Depuis les vingt dernières années, plusieurs facteurs de croissance ont été découverts. Le présent article souhaitait recenser quelques-uns des plus importants et surtout, les plus accessibles pour tout entrepreneur qui souhaite prendre en main la croissance de son entreprise. De nombreuses ressources existent pour aller de l’avant avec l’un ou l’autre des éléments présentés ici. Il est important de demander de l’aide et de s’entourer parce que, quoique cela puisse paraître relativement simple, c’est très laborieux ! En terminant, rappelons-nous que le plus grand danger tout entrepreneur restera les préconçus de la gestion et les modes managériales. Il faut savoir discerner ce qui s’applique  à son entreprise et se rappeler qu’au final, la décision vous revient ! Ça s’appelle diriger, et c’est ce que ça signifie d’être entrepreneur.


[1] http://www.infoentrepreneurs.org/fr/guides/bl—coentreprises-et-partenariats/

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