Crédits photo : Mikaël Theimer – Le photorapporteur

Camille Maheu est accompagnante à la naissance – doula– depuis 2014.  Elle apporte un accompagnement physique et émotionnel aux femmes enceintes et aux couples avant, pendant et après la naissance de l’enfant.

En 2017, Camille fonde Les premiers moments – une structure proposant divers services d’accompagnement périnatals (cours et ateliers prénataux, accompagnement à la naissance, suivis quotidiens, soutien à l’allaitement, relevailles…) sur l’ile de Montréal ainsi que les Rives Nord et Sud.

Au cœur des premiers moments, il y a une équipe soudée, composée de 9 doulas (dont Camille) déployant au quotidien une approche ouverte, concrète et éclairée de la maternité.

Il y a aussi une philosophie : s’adresser à tous les parents de façon inclusive, quelles que soient leur situation, leur orientation sexuelle, leur religion ou leur origine… Et toujours, toujours, être à l’écoute et accompagner chacun dans le respect de son chemin vers la parentalité.

 

Une communauté en crise

L’avènement de la pandémie de la Covid-19 et l’ampleur de la crise ont surpris l’équipe des premiers moments qui, au départ, n’imaginait pas que son activité pourrait s’en trouver bouleversée.

Or, la jeune entreprise a dû suspendre ou modifier la moitié de ses services (car réalisés en personne) … dont, singulièrement – l’accompagnement à la naissance.

Les mesures de confinement auxquelles s’est ajoutée la décision de certains hôpitaux d’interdire les visiteurs (dont les doulas) lors des accouchements ont généré une crise pour toute la communauté tout en augmentant significativement le stress et l’anxiété des parents confrontés au risque de contamination et à un isolement accru.

« Au départ, cela variait tous les jours, certains hôpitaux nous laissaient entrer d’autres non, chacun suivait ses propres règles… »

L’association québécoise des accompagnantes à la naissance dont Camille est la vice-présidente est allée au front, réalisant un important travail militant et de renseignement des professionnelles confrontées à un afflux d’interrogations nouvelles :  Comment accompagner les clients à distance? Comment garder le contact?  Comment aborder la vague de personnes préférant accoucher seules à la maison plutôt qu’à l’hôpital? Elle s’est aussi engagée pour la défense des droits des parents nouvellement menacés.

« Pendant une période, l’hôpital Juif de Montréal a décidé d’interdire aux partenaires d’assister aux accouchements. Face à la menace que d’autres hôpitaux suivent cette voie, nous nous sommes battues et avons finalement obtenu gain de cause. » Au moment où nous écrivons cependant, les doulas ne sont toujours pas les bienvenues dans les hôpitaux sauf pour accompagner les mères monoparentales.

« Dans toute crise sociale, les premières personnes à perdre leurs droits sont les femmes, les personnes marginalisées, précaires ou en situation de pauvreté. Pour le bien de la communauté, certaines femmes sont allées accoucher seules et vont peut-être vivre avec cet abandon-là toute leur vie ».

Poursuivre l’accompagnement, autrement

Face à ses nouvelles contraintes, l’équipe des premiers moments a fait le pas de réinterroger son mode de travail et la raison d’être de sa mission.

« Au bout du compte qu’est-ce qui importe pour les parents? Est-ce le fait de dépendre de notre présence ? Ou est-ce de se sentir confiants et prêts pour aborder l’accouchement? L’expérience des parents ne devrait jamais dépendre de notre présence. C’est une des grandes leçons que cette crise nous a apprise. (…) Lorsqu’on a l’habitude de travailler d’une certaine façon depuis des années, c’est un chalenge de se réorienter mais on n’allait pas s’asseoir sur nos lauriers! »

Ce pas franchi, Camille a décidé de proposer une partie de ses services d’accompagnement à distance (cours de groupes, consultation personnelles, rencontres d’approches, le suivi postnatal…) via ZOOM.

Dans le cadre d’un accouchement, si les conditions sanitaires sont réunies, les doulas se rendent au domicile pour accompagner le travail préparatoire avant le départ à l’hôpital. Pendant l’accouchement, l’accompagnement se fait de manière virtuelle selon différentes options (connexion et guidage en direct par vidéo, contact par texto avec le partenaire, envois de memos vocaux pré-enregistrés)

… Et cela fonctionne très bien … tout en permettant aux doulas de se rendre facilement accessible à un public plus large, à l’échelle de tout le Québec. C’est pourquoi les services en ligne vont désormais s’inscrire dans la durée et compléter l’offre des Premiers moments, pour une adaptation à 100% aux besoins des parents.

 

Et après?

Contre tout attente, cette crise a ouvert tout un champ de questionnements, de pistes et de réponses créatives – un flux bénéfique tant pour les accompagnantes que pour les parents.

« En ce moment, on perd un peu de jeu au niveau des droits et des libertés mais cela amène une réflexion et une militance des parents pour revendiquer leurs droits par rapport à l’accouchement – ce qui est rafraichissant ».

L’intérêt de l’accompagnement à la naissance apparaît aujourd’hui avec un éclat intensifié.

« Il est important d’avoir un soutien psychologique et émotionnel durant cette pandémie parce qu’on ressent davantage de stress, parce que de nouvelles questions affluent, parce que les protocoles changent constamment, parce qu’on est plus isolé car privé de la présence et du relai de nos proches. On a besoin d’avoir un espace sécuritaire pour déposer ce qu’on vit, prendre du recul et d’être écouté par une personne qualifiée qui a les réponses à nos questions. »

Camille n’est donc pas inquiète pour l’avenir. Elle sait que son métier ne va pas s’éteindre du jour au lendemain. Les femmes continueront d’accoucher quoi qu’il arrive.  Elle sait aussi les lignes que cette crise a permis de faire bouger. Elle et son équipe ont simplement hâte de pouvoir retourner en salle d’accouchement.

Longue vie aux premiers moments…

Crédits photo : Alex Lagueste – Jeudi photographie

Pour aller plus loin :

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Lire l’article rédigé par Camille dans Doulazine : Pourquoi être accompagné par une doula en temps de pandémie?

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